Jean-Michel Vives et Caroline Audemar « Le petit garçon qui parlait d'une voix sourde », Dialogue 1/2003 (no 159), p. 106-118.

Dans cet article, les auteurs s’attachent à montrer que la possibilité d’« improvisation » maternelle serait une des conditions de la naissance du sujet psychique. Pour interpréter le « premier » cri de l’infans, la mère (ou un substitut maternel) doit improviser et ce, afin de pouvoir composer une réponse inédite et pourtant respectant certaines règles. Cette réponse vocale traduit son rapport au langage et à la Loi. Cela suppose qu’elle accepte la castration et la différence entre elle et l’enfant. À partir des travaux sur la pulsion invocante et d’un cas clinique pour lequel l’improvisation n’aurait pas opéré, ils montrent que la musique de la voix transmise par l’Autre maternel dévoile son désir et marque une séparation symbolique entre la mère et son enfant, introduisant la métaphore paternelle. Un désir de non-désir induirait une absence de musique et d’improvisation, en positionnant la mère comme un Autre absolu et objectivant l’enfant qui n’aurait d’autre possibilité que de choisir la forclusion.

La naissance du sujet psychique a fait l’objet de recherches psychanalytiques nombreuses qui s’attachent notamment à l’étude des premières relations entre la mère et son enfant (D. Winnicott, M. Klein, F. Dolto) et garde un caractère énigmatique. Nous aborderons ici ce point théorico-clinique essentiel en partant d’une expérience de musicothérapie et en prenant appui sur des travaux d'A. Didier-Weill et de M. Poizat qui portent sur une pulsion peu étudiée en psychanalyse, la pulsion invocante. Celle-ci concerne les premiers rapports de l’enfant à l’Autre, ce dernier représentant le garant de l’ordre symbolique, l’instance du langage. Une fois « mise en place », cette pulsion va pousser le sujet à s’adresser à l’Autre, qu’il y ait une réponse ou non. Selon A. Didier-Weill, « la finalité de sa vocation : faire entendre sa propre voix dans le concert du monde. » Le postulat sur lequel nous nous sommes basés peut s’exprimer comme suit. L’enfant venant de naître se retrouverait dans une détresse physique qui le pousse à crier pour exprimer la douleur. Ce « premier » cri serait une pure manifestation sonore vocale, dépourvue d’adresse et de signification. Pas encore un appel, mais la tentative d’expulser la souffrance. Cependant, la mère ou le substitut maternel qui entend ce cri l’interprète comme une demande du nourrisson et occupe ainsi la position d’un Autre primordial, que nous appellerons l’Autre maternel. La réponse de la mère dépend de son interprétation de ce cri, interprétation qui répond à la question inconsciente suivante : qu’est-ce que je désire que tu veuilles ? Transformé par cette interprétation maternelle, le cri pur se transforme en cri pour. Il sera pris dans le travail de mise en sens maternel. Le deuxième cri du nourrisson n’est déjà plus le même (c’est un « Reviens ») ; il est devenu invoquant. La voix qui a accompagné la satisfaction est perdue et à jamais manquante. Elle est devenue l’objet a de la pulsion invocante, l’objet cause du désir.

 

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